Les Ballets Bolchoï

Le Soir 18 Apr 1958French

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Contextual note
With the review article, a photograph of ballet dancers in the Bacchanale from Faust was reprinted in the newspaper.

Quelques semaines avant les représentations que donnera à Bruxelles le ballet du Bolchoï, la projection du film de Paul Czinner constitue un événement artistique qu’apprécieront plus les fervents du ballet que les fidèles du septième art.

En effet, on ne s’écarte guère ici du théâtre filmé dont on connaît les disgrâces. L’œuvre que voici a été réalisée en Angleterre, à l’occasion d’un spectacle donné par la célèbre compagnie soviétique. C’est dire que, du point de vue cinématographique, on peut discuter le choix des oeuvres (qui comportent, dans Giselle, des séquences trop statiques). En outre, les onze caméras n’ont pu, malgré leur ‘virtuosité ‘, isoler les hauts moments chorégraphiques.

Ceci dit, à l’intention des cinéphiles, il faut reconnaître que l’ensemble offre une inestimable valeur documentaire. Voici fixées pour la postérité des interprétations très appréciables pour l’histoire de la danse. Certes, les Russes sont vraiment eux-mêmes dans la danse tartare de la Fontaine de Bakchisaraï, dans la polonaise et la cracovienne d’Ivan Susanine, mais il n’est nullement indifférent de voir comment ils conçoivent le bacchanale du ballet de Faust. Les abonnés de la Monnaie ne s’y retrouveront guère, mais la confrontation est pleine d’enseignements.

Plus discutables est le choix de Giselle qui reste, bien sûr, un classique de l’histoire du ballet, mais il s’agit d’une œuvre française par sa musique et par sa conception chorégraphique. Nous eussions préféré voir fixer sur la pellicule une œuvre spécifiquement slave dès lors qu’il s’agit d’interprètes russes. Le Bolchoï étant peu ‘accessible’ pour le commun des spectateurs, même lorsqu’il danse en Occident, on eût aimé l’applaudir dans les œuvres les moins connues de son répertoire.

Il reste que l’interprétation de la Mort du Cygne par Oulanova peut faire figure de page d’anthologie, même pour ceux – de plus en plus rares – qui ont vu la Pavlova dans le même rôle. Toutefois, un film chorégraphique antérieur, le Roméo et Juliette de Prokofieff, permet beaucoup mieux de prendre toute la mesure du talent de Galina Oulanova, dont la Giselle demeure très émouvante.

La place nous manque pour commenter comme elle le mériterait la réalisation de Paul Czinner. Il faut souhaiter qu ‘un public nombreux recoure, en voyant ce film, au moyen le plus facile pour s’initier à un art trop peu connu encore et qui a sa place au carrefour des grandes rencontres dont Bruxelles sera, cette année, le théâtre.